Beaucaire

UGERNUM


 

L'habitat protohistorique de Beaucaire, situé sur la rive droite du Rhône, est d'abord implanté sur les collines de La Redoute et du Château, aujourd'hui séparées par une tranchée laissant passer une route, mais qui ne constituaient alors qu'un seul massif. Première hauteur importante sur le fleuve depuis la mer, le site présentait un intérêt évident. Fréquenté dès les IXe-VIIIe s. av. n. è., il fut le siège d'un village au VIIe siècle, puis habité continûment semble-t-il à partir du VIe siècle av. n. è. jusqu'à nos jours. Cette longue occupation explique qu'il ne reste que peu de chose des premiers temps : les vestiges situés sur la colline ont été en grande partie détruits par les carrières qui en ont entamé la face nord, et par l'installation du château médiéval. Ceux qui s'étendaient à la base sud sont profondément enfouis et ont été recouverts par les villes romaine, médiévale et moderne. Néanmoins, quelques sondages stratigraphiques à La Redoute, et la surveillance des travaux d'édilité dans la ville basse, ont permis de se faire une idée de l'importance de cette agglomération protohistorique dont deux inscriptions nous ont conservé le nom : Ugernum.

Les trois sondages menés à La Redoute ont apporté surtout des données sur les phases anciennes d'occupation. Des remblais et des lambeaux de sols, au contact du substrat, livrent des céramiques du Bronze final IIIb de faciès "mailhacien I" (IXe-VIIIe s.). L'occupation suivante est caractéristique du faciès "suspendien" (VIIe s.). Une fosse appartient au début du VIe siècle, tandis qu'un nouveau sol, avec traces de dilution d'argile, est de la fin du VIe et du début du Ve siècle. De puissants remblais contenant des pierres et des briques montrent la présence d'habitations en dur dans la deuxième moitié du Ve siècle. Dans les niveaux remaniés de surface, on recueille du mobilier des IVe-Ier siècle av. n. è.

De nombreuses découvertes effectuées dans les rues du vieux Beaucaire lors de la pose du tout-à-l'égout attestent l'ancienneté de l'occupation de la plaine au sud de La Redoute et du Château. Les plus anciens témoins remontent au VIe ou au Ve siècle av. n. è. (rue du Dr. Anthoine, rue de la République) et témoignent de l'existence de quartiers bas dès cette époque sur le piémont. Vient ensuite une abondante série de documents des IIe-Ier siècle, ne laissant aucun doute sur l'extension de l'habitat jusqu'aux abords du Canal à partir des années 175 av. n. è. Plusieurs inscriptions gauloises écrites en lettres grecques proviennent de la lisière sud de cette zone. Quatre nécropoles (Le Sizen, Les Marronniers, Les Colombes, Vigne) situées à l'ouest de l'agglomération, ont livré des tombes contemporaines, s'étalant du IVe au Ier s. av. n. è.. La ville continuera d'être occupée à l'époque romaine à peu près sur les mêmes lieux.

Les documents concernant l'habitat protohistorique de Beaucaire, bien que peu nombreux, apportent sur plusieurs points des éléments d'information précieux sur un site dont l'importance, durant la Protohistoire, a pu être mésestimée. Les sondages de La Redoute permettent d'abord de conclure à une occupation longue et –sauf peut-être à ses débuts– relativement continue durant les âges du Fer et au-delà. Mais surtout, en ce qui concerne la première occupation, les fouilles ont apporté des données nouvelles sur la phase de transition entre l'âge du Bronze et l'âge du Fer. Les découvertes fortuites intervenues sous la ville moderne ne sont pas moins intéressantes, dans la mesure où elles prouvent l'extension, dès une période ancienne, de l'habitat en plaine assez loin du site primitif, selon un processus observé sur d'autres grands oppida de la région. Enfin, l'étude de l'ensemble des données concernant cet oppidum et ses nécropoles a permis de montrer sa nature indigène, et d'écarter l'hypothèse autrefois formulée identifiant le site avec la colonie massaliète de Rhodanousia.

La découverte à Beaucaire de plusieurs nécropoles à la périphérie immédiate de la ville complètent les données sur l'habitat. Quatre cimetières (Les Maronniers, Le Sizen, Les Colombes et Vigne), plus quelques tombes isolées, forment l’un des ensembles funéraires les plus importants du Languedoc oriental.